Chroniques : Summerheal ? hiker
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Autres Directions - mai 2005

Souhaitons tout d’abord la bienvenue à ce jeune Stay Hard, label de Goetzenbruck à l’esthétique pour le moins gracieuse prônant la publication (sur 50 cdr par référence) de musiques enregistrées sur 4-pistes. Des musiques qui fleurent bon l’intimité et l’honnêteté. Pour situer, Stay Hard est régi par des amis des labels Vergo et Herzfeld (T., Lauter...), parmi lesquels Spide. Cette relation leur attribue tout de suite une certaine crédibilité (à nos yeux) et pique vivement notre intérêt.

Stay Hard a commencé son activité par le bonjour de Little Red, un duo garçon-fille qui chante ses petites chansons en équilibristes du presque rien, sur les six cordes fines et rugueuses d’une guitare folk, dans un dépouillement extrême. Tantôt, on entend la mobylette qui passait dans la rue quand le morceau a été enregistré, en quelques jours, comme le reste du disque, en compagnie de Spide. Et même de temps à autre, il y a un clavier et sa boîte à rythme intégrée, ou encore un Rhodes. On est précipité dans l’union de ce couple, dans ce sanctuaire qui les héberge, dans cette familiarité et ces confidences. Les voix parlent, chantent. La jeune fille parle gravement, fait des « lala lala » - « tudum tudum » - « mmmmm mmmmm » quelque fois. Le garçon chante gravement, à la manière d’un Smog ou d’un Cohen, ou adopte une plus grande d’expressivité, comme Mr Oldham. Il dit qu’il ne sait pas jouer mais si un peu quand même. Ce garçon-là et cette fille-là collectionnent ensemble les disques de lo-fi et les anthologies de Palace et de Cat Power.

Spide offrira seul le second opus de cette collection artisanale, détenue par des cartons granuleux présentant des illustres végétales et minérales. Treize titres, enregistrés l’été dernier en quelques jours, ayant pour nom la date de leur création, comme autant de pierres délimitant un univers proche et délicat même si encore plus brut et torturé que celui de Little Red. La voix de Spide se cache constamment derrière un voile. Ses compositions moins minimales font appel à l’électricité du clavier ou de la guitare plus fréquemment, à la tendresse rustique de l’harmonica et du tambourin, ou à l’humeur enfantine livrée par un xylophone. La musique de Spide emprunte au folk d’Herman Düne ses rythmes velvetiens. Elle semble régulièrement se replier sur elle-même. Allant jusqu’à l’instrumental (10 07 04, superbe). Pour ensuite s’ouvrir à nouveau. Solide tout compte fait (01 08 04), la belle musique de Spide avoue son incapacité à être heureuse. Le violon plane alors, et c’est un beau discours muet, tout en retenue.

 

Magic - décembre 2005 janvier 2006

L'hiver est finalement là, et tandis que les fourmis travailleuses commencent à grignoter les réserves mises à l'abri cet été, nos cigales adorées frissonnent au souvenir des grandes chaleurs et des après-midi nonchalantes, passées la guitare à la main. Spide aligne sur son nouvel album treize morceaux sans titre, classés par date comme des entrées sur une liste des tâches. Du 1er juillet au 1er août, on trouve ici la trace de zones transitoires, d'heures entre parenthèses, à attendre assis sur le bord du terrain que la partie commence, que l'autobus arrive ou que la jeune fille lève les yeux de son livre. Mais c'est pourtant un véritable disque d'hiver que ce Summerheal ? Hicker, avec son chant souvent transi et solitaire, un peu bancal, sa guitare malingre, son piano dépouillé. Les lumières de fin de journée, la douceur de l'époque des tee-shirts, tous les détails de cette saison irrémédiablement révolue semblent s'être retournés sur eux-mêmes, la peau à l'envers. Ils font surgir, par effet de miroir, une image tremblotante et distanciée, comme téléguidée par un signal fragile, comme une nostalgie qui tente de survivre aux rigueurs du climat, à l'isolement, l'hibernation.